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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 10:50

RETROUVEZ NOS IDEES LECTURE ICI : http://lesmondesmagiques.wix.com/librairie#!-propos3/chaj

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C'est étonnant comme ce livre est bizarre et parfois pénible à lire. Raymond Roussel nous promène dans le parc d'un savant excentrique et déploie les curiosités renfermées par ce jardin véritablement extraordinaire. A de longues pages de descriptions, foisonnantes et précises, succèdent d'étranges pliages et dépliages, des découpes qui habilleraient aussi bien un roman gothique, un traité scientifique, un poème surréaliste, une coupure de mauvais journal, un recueil moyenâgeux ou folklorique...Les inventions à tiroirs de Roussel sont remarquables et curieuses. Par exemple, le bocal empli d'aqua micans : dans une cage en verre remplie par un liquide oxygéné inventé par Canterel le savant, évolue une danseuse aux cheveux musicaux, un chat nageur entièrement épilé, la tête desquamée de Danton, des hippocampes apprivoisés, d'autres curiosités encore, qui toutes ont évidemment une histoire.

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Perec de La vie mode d'emploi mais en plus fou. Il faut vraiment lire Locus Solus, pour le prodigieux voyage dans l'imagination comme pliage. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne s'y refuse rien et c'est ça qui y est très agréable.   
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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 10:19

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Ce livre est très étonnant et on y plonge avec un plaisir non feint. Le sujet : une expédition part à la recherche d'une montagne encore inconnue qui relie le ciel et la terre, montagne que toutes les grandes mythologies ont décrite et qui doit bien exister quelque part. 

René Daumal a une écriture discrète et très éveillée, il ne tergiverse pas. Son livre possède à la fois une certaine gravité et un certain humour. S'il s'agit d'escalader une montagne impossible, il faut être méthodique, croyant, inventif et décidé. Ce livre, malheureusement laissé inachevé du fait de la mort de l'auteur, réunit ces conditions.  

     On peut chercher à dévoiler les diverses analogies du livre, le plaisir tient surtout à la mise en oeuvre de l'aventure : préparatifs, voyage, hésitations, équipage. Ce sont les ingrédients d'une histoire de Picsou, de Tintin, de Jules Verne... "Que va t-il se passer ?" c'est pour ça qu'on tourne les pages.

Le souci du détail au service de l'imagination, la magie de l'analogie justement, dont use avec talent Daumal m'a fait penser aux films de Wes Anderson. Un fin rajout, un qualificatif, un objet, vient éclairer l'ambiance générale d'une lumière fantasque qui créé un beau dépaysement.
 
Ce petit livre redit une chose simple et vaste : l'imagination c'est le pouvoir, et l'inverse aussi bien.
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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 17:54

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Pour la première fois en lisant ce livre, j'ai eu le sentiment de rencontrer l'architecture. Fernand Pouillon invente le journal d'un maitre d'œuvre cistercien qui bâtit l'abbaye du Thoronet. Son écriture est sobre, presque sèche, peut être parce qu'elle s'attaque à des blocs de pierre ou à la dure étoffe des vêtements monastiques. Mais elle est aussi sensible : la pierre pourrait presque être touchée, on voit ses arêtes, les jeux de lumières dessinés par la taille, on sent les irrégularités, et le grain.
 
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S'il fait sentir ce que peut être l'architecture, c'est que Fernand Pouillon sait évoquer les étapes du chantier, la qualité des éléments, la matière dans ses détails, dans le même temps qu'il nous fait partager la vision, peu à peu précisée, du bâtiment à venir, fait pour être habité, fait pour recueillir les souffles, guider la foi. 
Il y a beaucoup dans les Pierres sauvages pour réflechir sur le destin (les voeux des moines notamment), l'inspiration (créatrice), la vie collective et la communauté (superstition et enthousiasme). C'est un livre sur la place que nous avons sur terre et cela passe par des pierres, des coups, par la matière. Ni matérialisme, ni idéalisme, sans doute parce que c'est aussi, avec, et par des gestes, que nous construisons les représentations que nous avons de notre présence au monde et aux êtres. Pour moi c'est un livre qui parle de ça. 
 
Disponible chez Point Seuil à la librairie
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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 16:37

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     De nombreuses controverses se sont élevées autour de ce livre, il faudrait aller chercher, lire autour et en parler. Nous pensons aussi qu’ il est possible de le lire sans se pencher sur elles, sans chercher à retrouver Hitler ou Staline, sans chercher à savoir si le livre combat ou encense le régime nazi. C’est un bon livre, et il dépasse les contextes. Que l’auteur soit ou non une personne respectable n’enlève rien aux qualités de l’écriture.

     J’avais essayé Le coeur aventureux, recueil de pensées et récits dont on retrouve des motifs dans Les falaises de marbre. A chaque fois j’ai été sensible à l’élégance, au tact, à l’habileté de Jünger. Mais c’est la dimension particulière, difficile à faire partager, de ce qui peut sans doute s’appeler le «style» de Jünger, que je retiens davantage. On a l’impression de voir autre chose, de voir autrement. En ce sens, avec Jünger, comme avec Gracq, par exemple, on est dans ce que la littérature a d’exigeant. Un livre se doit d’être au moins ce que Jünger réussit à faire voir à chaque phrase : un dépaysement à même les choses, à même le quotidien.  

     Avec les falaises de marbre, nous entrons dans un pays imaginaire que très vite, nous reconnaissons comme un pays mythique, en cela que les motifs développés, les paysages décrits s’inscrivent dans une ambiance de légende, une ambiance épique, qui nous est familière. Mais Jünger sait inventer des mondes au sein de l’imaginaire commun qu’il a su convoquer. L’écriture est sobre, minérale, poétique car précise dans des détails qui font instantanément signe. Aussi, les images d’Alta-plana, de la Campagna, du grand Forestier, si terrible, buveur et amateur de têtes coupées, du berger Belovar, guerrier farouche, du père Lampros, herboriste, de l’enfant Erion, maître des serpents, viennent se ficher en nous avec la puissance des évocations les plus fortes.  

     Un ami voulait offrir ce livre à quelqu’un qui ne lisait pas trop. J’ai d’abord trouvé que c’était une drôle d’idée, en raison de l’écriture particulière qui le caractérise. Pourtant c’est bien ça une écriture. En y repensant, pour faire aimer ou découvrir un peu «la lecture», c’était une très bonne idée. 

 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 14:42

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Les mots qui se suivent dans Les vagues nous entraînent dans un flot, flux et reflux, mouvement continu, qui gonfle, gonfle et retombe pour recommencer ailleurs, comme une vague nouvelle qui naît un peu à côté, dans le temps et dans l’espace.

Dans chacun des mouvements du texte, se nouent des dialogues - étranges - entre les personnages. Ces grands mouvements, morceaux de temps d’enfance, de jeunesse, d’âge adulte, sont entrecoupés par le récit d’une journée de soleil sur la mer.

 turner-cofluent-de-la-severn-et-de-la-wye.jpg

 

 

Les personnages de Virginia Woolf sont attentifs aux sensations, aux mouvements de lumière, aux chenilles, aux gestes. Ils parlent un langage imaginaire, qui se nourrit des signes du monde. Et ces signes sont l’indice des flux de vie et d’émotions. Ainsi, sans aucun dialogue réaliste, à travers le concert des voix du premier mouvement du livre par exemple, l’enfance, les différentes enfances, sa perméabilité au monde, les curiosités bizarres qui l’habitent, sa violence dans les sensations et les sentiments, nous est rendue sensible.

Lorsque la lecture adjoint les signes les uns aux autres dans une sorte de musique très belle, ils nous rendent perceptibles les mouvements d’âme secrets, profonds, superficiels, et très mobiles, qui constituent les mondes, intérieurs ou extérieurs, et tous les passages, les matières poreuses entre l’individu et l’environnement, entre les individus eux-même. Les voix se donnent corps les unes aux autres, et sans cesse se confondent avec les éléments du dehors.

 

Il ne s’agit pas cependant de célébrer l’unicité d’un tout, mais plutôt, de rendre accessible la fragilité des unicités, et l’attention nécessaire à chaque moment, car les mondes bougent et se brisent.

 

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Oui, ce n’est pas la célébration de l’unicité, du tout, et pourtant, comme dans les bons romans, il s’agit du chant du monde. On sent que passe un souffle de familiarité, de bouts d’enfance, fantastiquement partageable. Parce que je n’ai pas connu le pensionnat anglais, par exemple, mais je peux sentir et comprendre les émotions évoquées ici.

Et puis les vagues, c’est avec le flux et le reflux, l’hésitation qui avance malgré tout, c’est le mouvement de la vie, des inquiétudes. Par instant on est porté, et puis parfois on n'avance plus, c’est une question d’humeur et de musique.

Ce qu’il y a de formidable chez Virginia Woolf c’est qu’elle fait voir et sentir ce qu’il y a au milieu, ce qui passe entre les choses. Chez elle ce n’est plus je suis «ça» ou «ça», mais l’inquiétude entre les deux et le sentiment de vague qui ne se satisfait pas d’une détermination ou d’une propriété pour se définir. Je suis Bernard et je suis Rhoda, et peut être Neville ou la fleur qu’on s’échange...

 

C’est l’empirisme de Hume qui réfute l’idée du «Moi» comme substance unifiée et suffisante. S’il y a une faille de l’idée du moi moderne, tant mieux ! Nous ne sommes pas de petits pions sur pattes. Nous sommes bercés d’influences, perméables, résistants, balançants... Nous sommes « comme de la brume qui s’étend entre les personnes que (nous) connais(sons) le mieux». (Mrs Dalloway.)

 

J'aime les romans auxquels on participe, la littérature qui nous regarde. Les vagues en est surement un des exemples le plus évident. 

 

Disponible chez Christian Bourgois

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 19:40

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J'ai découvert Auto-da-fé par les récits autobiographiques de Canetti, lorsqu'il évoque avec Hermann Broch son travail d'écriture d'un roman qu'il appelait à l'époque "Kant prend feu". On peut lire l'Histoire d'une vie (autobiographie de Canetti en trois volumes) sans que le contenu du roman nous soit révélé, on apprend seulement comment est né ce livre. Il s'agit d'un projet d'écriture très ambitieux : une Comédie humaine à la manière de Balzac mais jouée par des fous.

 

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En lisant les premières pages d'Auto-da-fé j'ai tout de suite beaucoup aimé découvrir ce qui m'a donné l'impression d'être un livre unique. Jamais je n'avais lu des pages aussi simples et aussi intrigantes à la fois. Le ton général du livre me semblait, et me semble toujours, parfaitement juste, limpide alors que l'action et les personnages passent par des détours tellement sinueux, et extraordinairement puissants.

 

Avec Auto-da-fé j'ai eu le sentiment de faire la découverte d'un auteur mais aussi d'une écriture très étrange.

 

 

Gérald Stieg en parle très bien dans cet entretien : link (attention, car il en dit beaucoup sur le récit)

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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 17:01

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Récemment et par hasard, nous avons lu Le signe de Jadis, de Kerstin Ekman, une romancière suédoise

C'est une histoire bien floue qu'elle nous raconte. Dans une forêt comme dans un conte des origines, vont et viennent des personnages d'une densité d'ombre, qui semblent prendre consistance en fonction des événements et des rencontres.

 

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Le récit est à la fois naïf et tendre, et par là, très frappant. Ce qui nous touche surtout, c'est cette façon dont les choses prennent corps, notamment par le biais des mots, du langage. Dans la forêt, les personnages sont faits et défaits, de façon presque comique parfois, par les mots : une chanson secrète mais balbutiante fait chuter le chef de tribu, un personnage se voit nommé au détour d'une phrase et se pare de ce nom, désormais véritable car donné par sa bien-aimée.

Oui, je crois que c'est ce qui nous retient dans ce livre, de voir comment ces personnages peuvent se bâtir un monde, vivable ou invivable, depuis leurs mots et leurs gestes, et malgré la risible fragilité de tous ceux-ci.

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C'est le propre de la magie que de donner lieu à des réalités, rendre réel. Et de montrer par là ce qui se passe dans le monde, que le monde est une pluralités de mondes.

Par des petites descriptions, le roman nous fait connaître des lieux différents et des personnages qui se comprennent grâce à des signes. Il nous fait voir que les ambiances, les rencontres, que nous traversons ou qui nous traversent chaque jour, ne nous atteignent souvent que de manière diffuse, imprécise, depuis de petites choses, parmi des charmes.  Ainsi, l'air de rien, c'est un livre sur la famille, sur les rencontres, et sur la bêtise aussi. Celle qui, par exemple, mène à la guerre sans que l'on sache pourquoi.

  On y voit des ordres, des ensembles de signes, des mondes advenir et mourir dès lors qu'un lien est fait entre un mot et une action. C'est ça la magie, c'est un lien entre un affect et un mot, entre un mot et un geste, c'est l'unité du verbe et de l'acte.

 

 

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Mais parce que c'est un livre magique, qui fait voir la différence entre les mondes et leur coexistence, le livre de Kerstin Ekman est aussi ce roman sur le roman, celui qui dit la possibilité des autres mondes, des autres romans. L'écrivain a écrit et fait connaître un monde de signes et de tendresse, traversé par des angoisses bien reconnaissables ; c'est une histoire parmi les autres mais qui laisse la place au fait que précisément, des histoires, il y en a d'autres, et que c'est ce qui est le plus émouvant et le plus troublant des récits.

 

 

*les aquarelles et dessins de Gérald Kerguillec illustrent cet article

 

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